lundi 19 octobre 2015

Sur Mars, il y a de l'eau...


J'ai pu le vérifier...
(Sur une idée de mon ami Pierre Carabasse)

Mais d'abord restons sur Terre, c'est de là que nous allons décoller pour un voyage interplanétaire.
La base de décollage se situe en amont du Lac des Bouillouses, que nous allons longer dans le jour naissant , tout de bleu vêtu. Faisons le plein de bleu avant la Planète Rouge. Je marche vite dans l'aube froide et silencieuse, un silence profond, intense dans lequel j'entends battre mon coeur. Cette semaine je ne rame pas je suis partie pour l'envol. A fond la forme !
La Bollosa
Une petite heure plus tard, j'aborde la longue vallée de La Grave, torrent qui va donner naissance à la Têt. La Têt c'est notre fleuve, 115 km de long, passant par Perpignan et allant grossir la Méditerranée. Personne n'est d'accord sur son lieu de naissance, toutes les fantaisies sont permises, je m'autorise donc la mienne, il semblerait qu'elle naquît du mariage des eaux de La Grave et de la Llosa.
Vallée de la Grave et gel matinal

La vallée est longue à parcourir avant la base de départ pour Mars, presque pas de dénivelé pour les 7 km d'approche. Je marche d'un bon pas, croisant des marécages dans ce fond plat de vallée quasi monochrome, le sol glacé craque sous mes pas ou bien crisse si je marche sur les flaques gelées, tandis que le soleil réveille des millions de gouttelettes qui passent par toutes les couleurs de l'arc en ciel : c'est le dégel .
Un petit crochet m'amène à l' Estany del Reco (du coin) bien caché sous la Serra de Coll Roig qui donne bien envie d'aller tutoyer ses sommets. Un jour...L'étang commence  à geler. Il n'est pas très grand mais bien nourri par l'eau venue des sommets.
Estany del Reco (2169 m) et Serra  de Coll Roig


Vallée de la Grave et Sola de la Coma de la Grava
(Au fin fond, sera le décollage)
 Dans cette longue vallée de plus de 3km, la Têt a un visage que nous ne lui connaissons pas "en bas" : elle est magnifique, gaie, bondissante.  Le paysage est un peu lunaire mais nous sommes bien sur Terre, aux confins peut être...
La Têt

 Voici les confins, il est temps de décoller, ça y est, je monte vers Mars...La prise de dénivelé est grande, brutale, rapide : normal, il n'y a pas de sentier, j'escalade le flanc de montagne couvert de cette herbe fort glissante nommée gispet. Je prends mon envol, sur une courte distance, je vais atteindre l'étang de la Grave, 2535 m, j'ai grimpé d'un seul coup près de 350m de hauteur . A bord de mon vaisseau "spécial ": 2 bâtons , un sac pas trop lourd et deux bonnes jambes pleines d'énergie.


Cachée derrière les herbes à cause de la déclivité

La pente de gispet

Dernière ligne droite
 Pourtant ce ne sera pas la dernière : pas moins de 4 terrasses avant d'atteindre le  terminal d'arrivée sur Mars. Autrement dit , interminable...
Presque arrivée : le déversoir du lac; au fond le Pic de la Grave, 2671 m
L'arrivée est sublime : un autre monde...J'ai quitté la pâleur de l'herbe, de la pierre, et me voici dans un univers de contrastes flamboyants: du noir, du rouge, un bleu intense...Il n'y a pas de vie, pas de bruit, je suis seule, absolument seule, dans cet univers ; instant de grande plénitude, le souffle coupé non par l'altitude ou l'effort (qui fut soutenu ! ) mais par un moment de grâce offert par la Grave.

Etang de la Grave 2530 m


Etang de la Grave 2530 m

Je vais y passer un moment, pour me restaurer, regarder, et aussi chercher l'issue qui me conduira là haut, à la Cometa.. Oui sur Mars il y a la Cometa !
Il n'y a aucun sentier, pas plus que précédemment même si une marque bleue est comme perdue, posée, oubliée sur un roc.
Ma carte est une carte espagnole qui porte un sentier, là en face, dans cette rocaille qui garantit le bain forcé. Pas pour moi,! Alors je scrute et je n'ai d'autre choix que l'escalade.
Pas question de manquer "une marche"! L'eau est froide et je n'ai pas de rechange dans mon sac  (MDR) ...il n'est pas étanche non plus...


Je suis sur Mars, il y a de l'eau mais pas encore de sentier...Enfin, voyons !





Grimper est un jeu d'enfant et en moins de temps qu'il n'en faut pour le conter je suis en haut. Pieds et mains ont fait bon ménage et les bâtons sont remisés dans mon dos.

Pas bien haute la montée, juste la cheminée du Canigou...





Je viens d'en bas : 180 m en dessous

 Ma destination se profile, encore 233 m à gravir en dénivelé, je vais longer la crête. Ce n'est pas une crête fine et effilée, comme au Péric ou au Malaza : même si c'est rocheux, c'est plutôt du genre dos rond.


Je fais la halte  "paysage", ce n'est pas tous les jours qu'on change de monde...ou d'univers.


Altitude 2600 m
 Il y a quand même de la vie -aussi - sur Mars : un groupe d'isards très pressés et une blanche perdrix des neiges qui s'envole à grand fracas, dans ce silence minéral et figé.


Alors je marche vers mon point d'arrivée, en suivant la roche plutôt que le sentier (car il y en a un , venu de l'est, de la Terre, de la vallée de la Llosa).  Côté Llosa, le paysage est sublime : le Grand Péric (où j'étais dimanche dernier, quasi asphyxiée), l'étang Blau, la Portella Gran etc...

Grand Péric et Etang Blau
 (souvenez vous.....l'envers du décor, dimanche...)

J'étais alors au "restaurant" du Péric



Le lac de la Grave d'où je viens et la falaise que j'ai gravie

Au sommet, tenue d'été

Me voici au sommet, car Mars a un sommet, des sommets et de l'eau, de l 'EAU ! je compte 19 lacs étincelants et magiques...



Séquence dégustation sans modération...


La Portella Gran: 2765 m

La tartera du Péric que j'ai descendue dimanche



Sans nom, côté ouest, un haricot liquide

Vallée et étang de la Grave, mon chemin ce matin...

Péric (2810m), Portella Gran (le col ), Etang Blau , Serra de l'Orri  et vallée de la Llosa
(mon chemin de retour)
Enfin un décor Martien semé de gouttes bleues...elle y est l'eau !

 Martien car la roche est à elle seule un paysage hors du commun : voici 3 déclinaisons de schistes, le fer prédomine largement.




Le sommet, tout là haut




Je dois quand même quitter ce "lieu de vie" et je dévale en direction de la vallée de la Llosa, comme la semaine dernière mais...j'ai un petit projet....


La Portella Gran (le col, 2603 m), le Péric 2810m

L'étang Blau qui fait perdre la tête au sommet de l'Orri, 2711m 

Il ne me reste plus qu'à jeter un dernier regard sur cette planète bien pourvue d'eau et suivre la Llosa
Au fin fond (gauche) le pic d'où je viens ...tout petit ....et la Llosa (vers son amont)
 Oui une idée dans ce décor un peu lunaire...Je n'ai toujours pas rencontré le moindre humain, il y a 7 heures que je "visite" et je me sens très très bien dans ce grand désert brûlé du gel des nuits.

Mon idée c'est de suivre la Llosa : cette rivière très paisible fait un coup de colère depuis des millénaires ! Une moraine a eu la fâcheuse idée de barrer son cours paisible et ondulant, alors elle s'est fâchée! Elle a bondi du haut d'une falaise de 200m, entamant la roche en un étroit canyon semé de cascades (Ce saut de la Llosa doit être sublime au printemps!) et elle fonce tête la première vers..la Têt justement ! Je fonce avec elle mais sur mes deux pieds, c'est plus sûr...et puis il me faut songer au retour sur Terre non ?
Le saut de la Llosa (la photo écrase la pente); en bas, vallée de la Grave

J'entreprends de la suivre, pas trop près du bord quand même, dans les buissons de genêts et les rocs .
Il n'y a pas de sentier, bien sûr. Et ça glisse un peu mais j'ai le pied sûr; indolore, enfin.
Je la rejoins en bas pour un instant de partage fraîcheur et...boisson car je suis à sec, moi ! Il fait chaud et soif.
Le canyon ou saut de la Llosa

Bondissante et cascadante

Vers la confluence en plusieurs bras
Il ne me reste plus qu'à regagner la planète Terre, la planète bleue qui annonce la pluie de la nuit...
Dans ce ciel cotonneux....
Mais...il manque les parfums des forêts...
L'hiver est bien là....

Lac des Bouillouses, 17 h 09, il y a 9 heures que je voyage dans l'univers...
Le bon retour sur notre vieille Terre... de gastronomie se fera le soir au refuge des Bouillouses pour un convivial repas servi par Christophe ,en compagnie de randonneurs français et catalans , résidents du refuge. Moi?...j'ai mon camion retrouvé...en pleine santé...

Le Menu (Maxi portions) :
- velouté de jeunes carottes au jus d'orange en potage (un délice)
- joues de porc en sauce aux champignons
- tarte aux framboises (divine)...et vin bien sûr!

Allez y la chère et l'accueil sont excellents....



En chiffres :
Dénivelé : environ 900m
Distance : 20 km
Météo : excellente ! Estivale ...
Séjour : 2 nuits dans mon camion , sous les étoiles et sous la pluie.



19 commentaires:

  1. Magnifique ! de belles photos, un texte intéressant et quel style... un vrai régal ! Je partage cela un maximum que mes ami(e)s de Facebook, Google et autres en profitent.

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    1. Ah oui tu m'as inspirée avec ta remarque l'autre jour: Alors j'ai rebondi ..en écriture car en montagne les rebondissements (les rebonds ?) peuvent faire très mal. J'ai pris beaucoup de plaisir à cette rando comme à sa rédaction. Merci pour ces partages...

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    1. Merci : je suis heureuse que ça te plaise, je pense que tu as connu...

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  3. magnifique balade , très beau commentaire et superbes photos
    Envie de le faire avec une amie photographe ,mais en plus que l'on connait pas j'ai peur de ma condition physique et mon problème de diabète ,on aurais besoin de tes conseils ,si tu veut bien Merci
    PS ; je partage ton site ....
    Gines

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    1. Pour le trajet je peux te l'indiquer avec précision; la condition physique c'est autre chose mais je ne l'ai pas trouvé éprouvant. Faut pas avoir le vertige pour la grimpe, simplement, songe que la météo est fragile et que la neige peut tomber d'un moment à l'autre (si ce n'est fait) et rendre le parcours impraticable ou dangereux. Pour le diabète, ça ....je sais pas du tout...J'ai rencontré un diabétique qui faisait des trucs d'enfer, il avait une pompe. Je te laisserai mon N° si tu veux en MP sur FB. merci pour ta visite

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  4. Un reportage extraordinaire , un pas à pas que j'ai suivi guidée par ton enthousiasme . Les photos sont superbes et l'environnement féérique .Merci de ce partage merveilleux.
    Douce soirée, bises Lison

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    1. Merci; je le relis moi aussi avec plaisir car j'y retrouve la plénitude de ce voyage; un des mes plus beaux. Bisous

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  5. Une fois de plus et grâce à toi j'ai quitté un moment mon Ile de France et j'ai laissé mes yeux éblouis te suivre dans cet endroit unique et atypique. Merci à toi pour ces photos sublimes que tu commentes si bien. Tes randos mériteraient un livre témoin car tu as l'art des mots et des images ainsi qu'une belle façon de traduire ton ressenti. Bisous

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    1. J'y pense mais c'est énorrrme à réaliser; j'ai tellement d'articles et photos, je ne sais par où commencer....J'avais commencé au début : mois par mois ça pouvait se faire. a présent, 2 ans et demi... C'est ma mémoire vive que j'écris, pour mes vieux jours. Bisous, Fanfan

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  6. Génial Amédine ! En peu de temps, quelle connaissance tu as acquise sur ce si beau secteur. C'est devenu ta seconde poche.
    Deux petites précisions :
    - ceux sont des mouflons femelles en photos et non des isards. Les isards ont toujours des cornes.
    - le refuge des Bouillouses est souvent plein et on a beau vouloir passer leur rendre visite, quand c'est plein il n'y a pas le moindre accueil.

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    1. Des mouflons femelles? il y avait les petits, merci "mon isard" préféré ! Toi t'as pas de cornes pourtant !!! Le refuge, oui , il y avait 13 assiettes quand je suis arrivée. Mettre une 14 eme puis ensuite il y en eut une 15 eme, fut simple. Il me suffit de dire "Je suis l'amie de Camille" comme dans Daudet : " Je suis l'ami de Maurice !". Enfin je le crois...Oui Ludo, une bien belle balade, je regrette que l'hiver arrive, il y a de quoi explorer là bas "en sauvage".

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  7. Mouflons très caractéristiques avec les pattes blanches qui ressemblent à des chaussettes.
    Pour les cornes qui sait ?
    Il reste encore quelques beaux week-end avant que le manteau blanc n'enveloppe le Capcir.

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    1. Ah ah , pour les mouflons ! HI hi pour les cornes. ho ho ? pour les belles journées...j'y cours !

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  8. La Terre est exceptionnelle. Elle nous offre tant de possibilités ! Même celle de se rêver sur Mars :-)
    Merci pour cette balade intersidérale.

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    1. Ton comm m'a amusée..je suis une rêveuse qui a cependant bien les pieds sur terre avec en guise de fantaisie le soleil qui fait parfois de drôles d'effets et me conduit dans la lune. Alors pourquoi pas sur Mars?

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  9. Foi um grande passeio cheio de belas paisagens e imaginação, o que torna tudo mais
    especial.
    Beijos
    Adri
    Boa semana!

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    1. Sim, na vida temos que diversificar para evitar o aborrecimento, ate contando a vida de cada dia...e tambem nao aborrecer os meus amigos de blogs. Beijos

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  10. encore un voyage hors du commun Merci pour ce beau récit et ces belles images car je ne pourrais jamais y aller comme toi... tu es intrépide mais c'est super . profites bien bises

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