Préambule.
Sous ce nom amusant se cachent deux sommets dans
une région où les pics ont pour nom Comaloforno, Comalesbianas, Coma Lespada,
Coma las Torres, Comaltes. Pics, ruisseaux , lacs etc…Un même préfixe.
Situation géographique |
Cette région d’ Espagne, située aux confins de
Catalogne et Aragon, en dessous du Val d’Aran, se trouve à l’aplomb de la
limite des départements français d’ Ariège et Haute Garonne.
En 2014, j’y étais allée pour tenter de gravir un
des Besiberri à plus de 3000m, « rendez vous manqué.(clic)
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Ce 13 août, à 6 h du matin, c’est branle bas de
combat sur le parking au pied du barrage. Les nombreux fourgons ouvrent leurs
portes et chacun se prépare en silence quand soudain un chien aboie et le
parking devient un immense aboiement que des maîtres furibonds essaient de
calmer ! Séquence désopilante.
Je pars à 7 h, à l’opposé des autres, vers une
destination moins courue : les étangs de Comalesbianas et pourquoi pas ?
Plus haut ? En reconnaissance seulement…alors que tout cet hiver je
caresse le projet des 3014 m de la Punta Alta. Une reconnaissance aérienne sur
Visor et une lecture de blogs m’ont calmée, ce ne sont que des blocs avec un
passage délicat.
Je commence par un solide couloir de grimpe à 48
° : sur 340 m de long on passe de 1800m à 2075 m. En une demi heure.
La pente |
Une rapide mise en
jambes s’il en est qui se termine par une petite paroi de roche ; je
rejoins deux randonneurs qui montent à peine un peu moins vite que moi, ce sont
deux filles espagnoles à qui j’évite une erreur de parcours et c’est reparti
pour une très raide montée d’abord en sous bois, puis le long du torrent de
Comalesbianas et enfin à découvert, tantôt dans les éboulis, tantôt dans
l’herbe reposante ce qui est appréciable.
Ombre portée sur la montagne en face |
Le torrent de Comalesbianas |
Chemin de pierre |
Maria José et Laura |
Comaloforno et Besiberri plus de 3000 m nos voisins d'en face...-)) |
Avec les filles, Laura et Maria José,
nous cheminons tantôt ensemble tantôt séparément jusqu’à l’étang de
Comalesbianas, 2621 m. Un petit casse croûte, on se concerte et elles acceptent
que je monte avec elles. Maria José est déjà venue, elle m’évite une erreur car
je ne situais pas bien la Punta Alta. Car c’est décidé : on y va.
En 2014 je m'étais arrêtée là; glacée et dans la brume Etangs de Comalesbianas 2621 m |
La Punta Alta c'est là haut ! |
Elle est tout là haut, au dessus de nous et si je ne la croyais pas là c’est qu’elle fait le dos rond alors que plus à droite, un fier éperon, le Crestell de Colieto, 2921 m (comme le Carlit) paraît bien plus haut justement parce qu’il est fièrement pointu. La montagne c’est souvent cela : de trompeuses illusions mais jamais de trompeuses espérances. Les espérances vont souvent au delà de nos rêves….La montagne est incroyablement sèche cette année : peu d'eau, peu de fleurs, des terres arides, c'est brûlé. De sécheresse.
Chemin de pierre où l'on cherche les cairns |
Parfois chemin d'herbe attirant comme si on devait brouter ! |
Aujourd’hui je gagne un bon point : je gère
à la perfection ma nutrition et donc ma glycémie et ma fatigue. Je suis en
pleine forme, à peine le souffle court. Mon expérience passée me montre encore une fois que marcher avec
quelqu’un est plus reposant pour moi, mon rythme est peut être plus soutenu, en
tout cas plus régulier. Maria José est en tête et repère « las
fitas », les cairns : même pas le souci de chercher le chemin !
Fenêtre ouverte en crêtes voisines |
Un mur |
Trop simple à mon goût de suivre tranquillement. Finalement, ces fitas étant peu visibles dans cet
univers décoloré, je l’aide. Il me faut agir, j'ai l'habitude d'être active.
On monte régulièrement et fortement : la
pente est à 44° sur 400m, un vrai couloir rendu glissant par les éboulis
granitiques.
Le temps est étincelant et les étangs qui s’amenuisent nous font
souvent retourner comme s’ils devaient nous échapper ! Maria José y a
des heureux souvenirs de bivouac.
Ces
jeunes femmes qui pourraient amplement être mes filles sont d’agréables
compagnes, je remercie « le ciel » nommé « hasard » qui
les a mises sur ma route.
Etangs de Comalesbianas |
Crestell de Colieto 2921 m (au fond à gauche) |
Nous voici au col. Il fait chaud et l’on boit
beaucoup, faut dire que l’effort est intense !
On n'arrête pas de grimper du tout droit : pour preuve, nous avons parcouru 4 km et presque 1300 m de dénivelé! Sous un ciel cobalt, un soleil de feu, et dans l'absence de tout humain ou animal. Seule là au milieu ? Bien sûr je m'y serais vue ; un peu moins détendue...
Du col, la vue est splendide, je bave déjà
d’envie devant ce couloir qui plonge sur l’autre versant et l’estany
Nègre !
Au col : 2972 m : l'ouverture sur le couloir |
En attendant, Maria José essaie les crêtes et
s’arrête, il lui semble impossible de continuer.
Tout ce que j'aime ... |
Alors je m’élance et en
quelques exercices un peu acrobatiques, je me retrouve absolument seule tout en
haut , j’en ai les larmes aux yeux d'émotion ! Un cairn de blocs pâles, une plate
forme arrondie comme la poupe d’un navire, et le grand vide devant, à droite, à gauche…
instant inexprimable….
3014 en 2016 |
J’appelle les filles qui déjà ont entamé ma voie
et l’on se retrouve heureuses au milieu de la mer. Une mer de vide, de roches,
de sommets, de lacs, un océan de joie. D’autant que je n’étais pas partie avec
l’idée d’y arriver.
On a toutes les mêmes gestes ! |
On savoure le paysage à 360 ° avec émotion.
Le Montardo 2834 m et les Etangs de Monges et Mangades |
Au sommet |
Massif de la Maladeta et Pic d' Aneto 3404 m |
Etangs de Comalesbianas où l'on va retourner |
Barrage de Cavallers ...en 2 yeux liquides |
Qu’eussé je fait toute seule ? Je me suis
posé la question et je pense que j’y serais arrivée. J’aurais essayé
d’escalader en gardant l’idée de la faculté à redescendre et j’y serais
arrivée. Sans nul doute.
Mais je ne cache pas que le fait de n’être pas
seule change la vie. Plus en confiance, plus rassurée, moins fatiguée.
Balade en crêtes |
Le couloir vu d'en bas : quel parcours !! |
On redescend au petit col et chacune sur son roc,
c’est pause casse croûte. C’est là que vont se séparer nos chemins. Les filles doivent rentrer sur Tarragona, une longue route. La descente
par le couloir qui tente aussi Maria José s’avère trop aléatoire, un couple
danseur des cimes nous le confirme et on aura bien fait !
Quand je le
verrai d’en bas, plus tard, avec son goulet rocheux étranglé et serti d’un
névé…brrr…
Je prends donc seule le « chemin » du
Pic de Comalesbianas, tout à côté, 2993 m.
Pic de Comalesbianas 2993 m où je vais aller : habité par 2 marcheurs |
Qui dit chemin dit plus compliqué
que pour la Punta. Car celui-ci est un vrai mur rocheux qui demande de
l’escalade plus difficile . Saurais je redescendre au cas où ?
Difficilement, là il faut trouver des prises pour les pieds. Mais je sais qu’il y a un sentier de l’autre
côté.
Et puis ne suis je pas attendue ?-)) je pourrais toujours lui chanter : "Envole moi....envole moi..."
Je suis attendue au sommet ! |
Rares tapis de mousse dans cet univers minéral |
Du sommet, désert, le point de vue est presque le
même, juste un peu décalé. Je ne m’attarde guère, j’espère revoir les deux
filles qui ont choisi la pente glissante de la montée.
Univers lunaire avec eau |
Barrage de Cavallers 1100m en dessous |
Effectivement ce sera plus facile pour moi, même si aussi raide : c’est un vrai sentier avec les acrobaties qu’il m’impose. Et qui me plaisent dans la plus parfaite solitude.
En montagne j’ai un double handicap : un
surpoids de quelques kilos et surtout ma petite taille qui compromet mes
enjambées et me demande plus de pas ou plus d’efforts au franchissement ou
escalade.
Je descends mon sentier j’ai l’impression de
danser entre terre, sables et roches.
Je croise deux marcheurs suant et soufflant : c’est que là haut il ne fait
pas froid! J’ai un joli décor sous les yeux, du bonheur, ma solitude tant aimée
et envie de me baigner.
Etang de Comalesbianas |
Pourtant je manquerai le lac. Je quitte le
sentier pour m’en rapprocher, mais les barres rocheuses sont malaisées je cherche les passages et
finalement le lac me demanderait encore un détour. Ce sera la douche chaude à l’arrivée au lieu
du bain glacé.
Juste en bas, je retrouve les filles ; nos
routes vont immédiatement diverger et j’entreprends seule le retour.
Un difficile retour : il y a le terrain
glissant près du torrent qui me vaudra deux plongeons sur terre, et puis mon
pied !
Ce pied qui déjà au col m’interdisait tout pas en
avant alors qu’il me manquait l’escalade et le retour.
Ce pied qui me brûle, semble se durcir, se
dessécher, devenir du bois et dont aujourd’hui je connais la pathologie. Une
petite opération me permettra de repartir. D’un bon pied !
En attendant j'avale seule le grand dénivelé avec ce pied qui rend ma marche hésitante et peu sûre. Je constate avec déception ma régression depuis 2014. Donc depuis, j'ai pris l'affaire en main!
Pour l'heure la descente est un calvaire et je m'accroche en serrant les dents !Je les desserre quand même de temps en temps pour ces offrandes de la montagne :-))
Sans légende ! |
Et J'atteins mon perchoir, au pied du barrage de Cavallers où j'ai fini par me sentir si bien alors que c'est d'un sinistre !!!
Au terme de :
dénivelé :1321 m
distance AR :8 km
Cavallers Au pied du barrage, sur la Noguera de Tor: le parking |
Aux filles..
A ustedes, Maria José y Laura muchas gracias para este paseito juntas entre piedra y cielo....
A tous...pardon pour la longueur....
A ustedes, Maria José y Laura muchas gracias para este paseito juntas entre piedra y cielo....
A tous...pardon pour la longueur....
La longueur??? je ne m'en suis pas aperçue tant j'étais captivée par ton récit . Ton ascension tout d'abord avec de belles photos pierres lacs et montagnes lunaires et ensuite le sommet, quelle joie !!! Paysages époustouflants que j'ai savourés, les pics la neige waouh!!!. une belle rencontre que ses 2 jeunes filles souriantes , de bonne compagnie . la descente je souffrais avec toi et ce tapis de mousse avec ces fleurs si belles et insolites en ce lieu désert et de rocaille ... Merci , je me suis bien évadée ...bonne nuit bises et pleins de caresses à tes minous ..
RépondreSupprimerCe fut une rando vivante et exceptionnelle, et j'ai gardé un récit vivant pour en témoigner. Et puis avec le récit, je le revis. je n'ai même pas besoin de lire mes notes de voyage. Bisous de nous 7 + Icare le Vagabond
SupprimerCc ... La longueur, quelle longueur ... 2 fois plus long, j'aurais savouré de la même façon !!!
RépondreSupprimerQuelle merveilleuse escapade ... mais peut-on encore appeler cette montée et cette descente, une escapade ???
Les photos sont magnifiques ... quelle vue ... sublime.
Merci de me faire rêver :)
Beau dimanche, Bisous et Câlins aux Félins (une pensée pour Lison...)
Oups ... Une sympathique rencontre avec ces 2 demoiselles espagnoles ... rencontre comme seule la montagne le permet !!!
RépondreSupprimerOui c'est vrai et la chance de parler leur langue. j'ai essayé de condenser : un blog est un exercice permanent de condensation pour moi mais faut aussi laisser passer les émotions. Oui une escapade même si elle est à la verticale c'en est une; j'attends déjà la prochaine avec impatience, ce sera cette semaine et pas loin mais ardu...j'ai pris des ailes faut pas attendre qu'elles se rognent! Bisous bisous
SupprimerIl faut savoir varier les plaisirs. Ceux que procurent une solitude voulue et savourée et ceux qui viennent des rencontres agréables et des partages :-)
RépondreSupprimerTout à fait ça et j'ai apprécié. Ma solitude en montagne n'est pas toujours voulue, j'aimerais avoir parfois un(e) partenaire pour mes "délires" aériens, pas facile à rencontrer au vu de mon âge et de mes aspirations parfois en décalage. -))
SupprimerAmédine Époustouflante L Ascencion Vous pourriez prétendre à L inscription au Livre des records :) Il ne doit pas Y avoir beaucoup de Femmes comme Vous qui crapahutent avec autant d aisance sur Les Sommets de Nos Belles Montagnes :) Il en faut Une C est Vous :) Le Bonjour à Maria José à Laura Calinous aux Minous Bisous à Vous Pensées pour Lison :)
RépondreSupprimerLivre record des seniors hihi...Il doit y avoir des femmes qui crapahutent mieux que moi mais je ne les rencontre jamais hélas. J'aimerais bien parfois mais puisque non et bien j'y vais toute seule. Bisous Claudie et continuez à me suivre tout là haut
SupprimerJe lis , je savoure , non non ce n'est pas trop long, un texte savoureux , de belles photos , on en a jamais assez ! Je me fais un peu l'effet d'une voyeuse , car moi par contre qui attend vos billets avec impatience , je ne sais jamais trop que dire pour exprimer mon sentiment .
RépondreSupprimerJe vais retrouver cette semaine nos belles Pyrénées , chouette ! Et j'espère y faire de nouvelles randonnées. Bonjour amical et caresses à toute la famille de chats ! Moi aussi j'ai un tigré tout mignon qui vient se balader avec ma chienne et moi !
Ce sont des personnes comme vous, qui m'attendent, qui me motivent aussi: partager. Vivre l'évènement est fabuleux, le faire partager, c'est le revivre, en mieux parfois car on ne garde que l'essentiel. La montée est parfois souffrance, oubliée dès qu'on est en haut. On est tout léger. C'est cette légèreté que j'aime communiquer. Bonnes vacances en Pyrénées
RépondreSupprimerQui parle de longueur, Amédine ? Tes récits sont tellement vivants et passionnants qu'on ne voit pas le temps passer en ta compagnie ! :-)
RépondreSupprimerUn immense plaisir encore de te lire. Merci ! :-)
Les superlatifs manquent pour dire combien c'est impressionnant ce que tu viens d'accomplir. Et quel récit ! Comme toujours d'ailleurs.
RépondreSupprimerUne question quand même, quel instrument as tu pour mesurer la pente tantôt à 48°, tantôt à 44° ? En général on dit 30 ou 45 ou 50, mais ta précision est surprenante.
J'ai trouvé la technique en marchant en montagne alors que je n'avais jamais réussi; et je me creusais la cervelle. Les + 3000 m'ayant éclairci les idées j'ai trouvé. Te le donnerai par mail. Grâce à géoportail ou Visor et courbes de niveau, triangle rectangle et rapporteur. Elémentaire mon cher Watson
SupprimerOui cela m’intéresse. Je sais qu'il existe des appareils pas cela fonctionne mieux sur de la neige où la pente est plus lisse.
SupprimerBonjour Lison:
RépondreSupprimerToujours un récit captivant qui rend parfaitement compte des émotions et des beautés de ce massif granitique incomparable. Bravo aussi pour ton courage et ta persévérance!
Il y a pas mal d'années, nous avions franchi le Comalesbienes avant la Punta Alta, pour revenir en boucle par l'Estany de la Roca et l'Estany Negre.
Dans tous les cas, il faut en effet bien négocier le passage étroit entre les deux sommets et gérer l'effort qui est intense. Nous avions bien dormi le soir...
Amitiés montagnardes.
Cher Lagrole, effectivement les topos disaient que passer du Pic à la Punta était compliqué et j'ai pu voir sur le terrain que c'était vrai, je l'ai fait en sens inverse, grimper est plus aisé que désescalader. Ces paysages minéraux et austères sont assez impressionnants, surtout en solo, mais je les aime plus que tout. Par contre après la Punta Alta, mes jambes ont tellement morflé que le MOntardo m'est passé sous le nez! J'ai réussi à force de volonté d'enfer à me traîner aux étangs de Tumeneia. Jamais de ma vie je n'ai souffert après un sommet comme ce jour là ! Amitiés montagnardes aussi.
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