mardi 11 septembre 2018

Matinée de vendanges millésime 18

Il est 7 h et le soleil jaillit des flots, là bas, à 20 km.





Un peu électrisé, par la perspective de cette journée sans nuage qui promet d'être brûlante.


Dans les rangées, les vendangeurs qui ont voulu commencer un quart d'heure plus tôt, essaient de bien deviner les grappes dans le fouillis des feuilles; ils vont savourer encore un moment l'heure fraîche.





De vieux ceps























La vigne n'est pas grande, très vieille, plus que centenaire et bien pourvue en fruits. Une vigne hors d'âge, une vigne musée. Multicolore aussi.. Couleurs feuilles, couleurs raisins.

 Tourmenté par le poids des ans

 Les sécateurs cliquettent, les seaux se remplissent, les vendangeurs s'activent, les videurs de seaux se démènent. Le silence n'est pas de rigueur mais les moteurs à parole sont encore froids.

José et Jean Louis
La matinée avance, la benne se remplit, celle qu'on nomme "la piscine" ou "la baignoire" car elle est large, basse et imposante. Comme un bassin.
Le soleil monte, incandescent, la chaleur s'installe et les langues se délient au rythme des plaisanteries.

 Tourmenté par le poids des raisins (carignan blanc)

J'en profite pour faire un petit cours de viticulture, ou de botanique. je présente aux vendangeurs curieux les variétés anciennes aujourd'hui disparues ou interdites, l'aramon délicieux et coulant de jus, l'alicante au jus sanglant et aux feuilles repliées sur elles mêmes, et d'autres variétés inconnues de moi. Je présente leurs géniteurs, ces ceps centenaires, rabougris et vaillants , certains moribonds qui ont accepté cette année de donner quelques fruits, l'année est prolifique.





L'aramon ancien cépage
interdit ici 


Très très vieux, plus de 100 ans et vaillant

Même chose


Ainsi arrive la pause, ce matin, moins pressés par le temps, on s'accorde 1/2 heure. Le rosé frais coule dans les gosiers et le déjeuner à l'ombre rare est le bienvenu.


"Cal esmorzar !!"

A l'ombre rare





















Enfin on regagne les rangs, en route vers le Canigou, notre décor, on aura bientôt fini, la vigne n'est pas grande mais elle aura fourni ses plus de 4000 kg brillants en vert, rose et noir. Un long voyage les attend.

J'ai oublié quelque chose rit Alice

Ils travaillent déjà, elle en finit avec le nectar
 millésimé 2017

Les vendangeurs quittent la vigne débarrassée de ses fruits, les deux tractoristes dont je suis filent vers la lointaine cave coopérative, 35 mn de route à 22 km/h.


Cave de St Génis des Fontaines


Certains sont plus fatigués que moi !

Pierre arrive avec la piscine ou baignoire

Ma benne au pont peseur

Il s'est réveillé !


Mais revenons au voyage de 15 km.
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Le voyage....


Pour moi c'est un moment que je savoure longuement. Lentement.




Il y a plus de 30 ans que je fais ce même trajet(30km AR) et j'ai vu au fil des ans changer les paysages.





L'autoroute s'est élargie, la LGV est née, la route nationale et les routes secondaires se sont élargies ou au contraire rétrécies pour calmer les récalcitrants de la vitesse.
A9 celle de l'Espagne; l'Espagne ? tout au bout
au delà de la montagne


La LGV




Ma décapotable
Un chemin empli d'embûches pour nous, les chauffeurs.
Dangereux en maints endroits, mais on en connaît le moindre cassis, le moindre "point noir", le moindre danger. On est lourdement chargés et...on a du vieux matériel. Prudence fait partie du voyage, elle est notre ange gardien.
Les villages se sont agrandis au fil des ans, encerclés de lotissements disparates. Les rues encombrées de voitures entravent la circulation et, depuis, on y descend à une vitesse inférieure, au frein moteur. Il y a des collines sur notre route! Et des villages perchés. Banyuls dels Aspres en est le spécimen.
J'ai vu se perdre ma campagne. Les vignes ont reculé, la friche a avancé, les maisons dévorant le tout. Et puis de nouvelles vignes ont vu le jour, élevées avec amour par une population rajeunie de vignerons. Et oui, je vieillis et tout change sur ma route.





Mais pas les parfums ...Ah, les parfums de la route qui accompagnent mes plus de 30 années de voyages.
Il y a l'herbe sèche qui grésille au soleil incandescent, le matin, le fenouil sauvage, l'inule visqueuse, la feuille de vigne, malmenée par la machine à vendanger, qui exhale son âcre parfum acidulé.
 La rivière croisée sur un pont en fer,  envoie au visage une bouffée fraîche, grossie par les orages en montagne. Et puis les roseaux au parfum inimitable, surtout lorsqu'ils sont coupés et pourrissent doucement. ..ah comme je les savoure!



La voie est libre je peux photographier
sinon faut tenir la trajectoire


Ma plage estivale tout en bas

Mais rien ne remplacera les parfums du jour finissant que l'on ne rencontre plus : dans notre midi écrasé de chaleur, les caves ne veulent plus de vendange l'après midi. Alors fini le parfum des herbes pourrissantes le long des petits canaux d'arrosage que la fin d'après midi exaspère. Parfum puissant que je savourais en conduisant, les yeux mi clos, récompense d'une journée de labeur harassant...Et oui, on a de ces goûts parfois au pays ou Dior et autres son rois!
Paysage florentin et Tour de la Massane en fond
Un jour, il y a peu d'années j'imaginais mon dernier voyage, avec nostalgie, déjà, avant qu'il ne soit..Depuis j'ai pris ma retraite, gardé les deux vignes autorisées et oublié mon dernier voyage...il sera dans un lointain avenir..
Mais mon vrai dernier voyage sera celui dont je serai passagère muette et insensible aux parfums, celui où déjà je ne serai plus rien mais où une partie de moi sera en voyage, ce très long voyage vers l'inconnu dont on ne revient jamais mais qui me conduira au delà de mes rêves les plus fous..qui sait ?
Voilà de quoi j'agrémente ma route sous le soleil incandescent de midi, en rasant les murs des villages pour profiter d'une ombre aussi fraîche qu'éphémère.


Archives du blog
Il y a 2 ans , j'avais écrit un  article "Armistice", le 11 novembre je labourais cette vigne, la vigne de mon grand père, rescapé de la guerre 14/18 . Il mourut en 1944 des suites de cette guerre, il avait été gazé au Fort de Vaux. A ma façon, je lui rendais hommage...






6 commentaires:

  1. Encore une larme, et je peux lire ce que j'écris .
    Tu me fais vivre des moments sublimes d' authenticité. .. avec cette verve qui t'est propre... et ce talent de conjuguer le passé. . le présent. . et l'avenir. . Merci Amedine pour cette promenade dans le temps..!!

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  2. Très beau reportage où se mêlent, parfums, joyeuse colle, belles photos, et réflexion sur l’avenir... bravo !
    J’irai encore plus souvent à la cave de St-Genis....

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    1. Il y a un peu de moi dans cette cave et aussi il y a mes ex vignes qui continuent à y être transportées, travaillées un peu par moi et beaucoup plus par Pierre. Et puis j'aime la Vigne !

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    2. ma tirade n'a pas été enregistrée.

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    3. dommage, il reste la fin ou la conclusion

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