mardi 11 juillet 2023

Vallespir : rive droite de la Fou


Avertissement aux lecteurs : ce reportage se veut le plus riche possible sur cette rive qui semblait stérile à souhait. Donc ce sera long et bien étoffé d'images. Bonne lecture.

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 Parcourir la rive droite de la Fou, en hauteur s'entend, n'offre aucune vue sur les gorges, tant la végétation y est dense, haute et agressive; il faudrait peut être attendre 100 ans de sécheresse pour entrevoir l'étroite et sinueuse saignée. Mais cette rive droite a quand même des particularités qu'il faut savoir dénicher. J'y fais une lecture attentive du paysage qui sait toujours me raconter des histoires. J'y évoquerai le site un peu excentré mais intéressant de Roca Malera, une belle molaire calcaire dressée non loin de la sortie des gorges, au début de la route de Montferrer. Malera de "mauvaise". A elle seule un paysage redoutable. Et fascinant. Que j'ai à peine exploré.

Cette rive droite, je l'ai parcourue tantôt seule, tantôt avec Nicolas. Bien plus élevée que la rive gauche avec son point culminant à 845 m, le Pic Escatiró, elle est striée de pistes pas trop anciennes. Tracées dans le cadre de la DFCI (défense des forêts contre les incendies), on peut même y trouver un réseau d'eau conduisant à des bouches d'incendie (désaffectées, semble t'il).

Pic Escatiró 845 m, vu depuis la rive opposée, ainsi que les falaises de la rive droite

Gros plan sur ces falaises


Même chose (sur la droite) avec les falaises de rive gauche très rapprochées  (Gorges de la Fou)




Grotte dans rive droite

Même chose : inaccessibles





Le canyon séparant rive gauche et droite (sur la droite, rive droite)




D'en face, Nico observe, bien équipé



L'entrée des gorges en rive droite avec Corsavy

Et la sortie des gorges, rive droite, près de La Palme 


Il n'y a pas d'habitations dans ce secteur, seuls les mas proches de Montferrer ont été réhabilités. Secteur Fou, il y a deux mas nommés tous deux Can Pei. L'un des deux est une ruine de faible importance flanquée d'un cabanon de pierre intact, à toit plat, nanti d'ouvertures et de niches. L'habitation est en ruine; on devine des terrasses dans la forêt et un beau sentier muletier, tout proche, conduit au bas des pistes, ancien chemin d'exploitation et d'accès, depuis l'ancienne "route" de Montferrer, fort bien entretenu et agréable, je l'ai emprunté au retour de rando. Il ne correspond pas tout à fait à celui porté sur la carte. Mais la trace des anciennes cultures, murettes et rampes d'accès est bluffante dans ce paysage sec et encombré. J'enlève les arbres et mon imaginaire me restitue le paysage d'il y a plus d'un siècle.

Le petit mas de Can Pey ou Pei



La cabane de Can Pei


Les ruines du petit mas

Le sentier muletier

L'autre mas nommé Mas d'en Pey sur le cadastre napoléonien fut un grand mas, avec dépendances ; le seul bâtiment encore debout, au toit refait comporte deux énormes piliers tronconiques suivant le mode de construction d'alors. Il semble avoir subi un semblant de restauration puis laissé à l'abandon, un véritable capharnaüm l'entoure. Ces mas étaient alors entourés de Terres (T) et pâtures (Pa), les lieux étaient plus humides que de nos jours. Il serait en vente à présent.

                                                                                      

Les piliers
Même chose













Intérieur



Dépendance

J'ai découvert, en remontant le ravin de l'Escatirou ou Escatiró, au dessus du Mas Pey, une ancienne source captée, à la manière du 19 ième S, petite citerne dans le sol, en pierres et briques, au plafond voûté, nantie alors d'une porte, et flanquée d'une parcelle construite par l'homme, hauts murs, je pense que c'était la source et le potager du mas tout proche.

Secteur de Can Pey, début 19 eme
En rouge : mas
En jaune : terres
En vert: pâtures,
En pointillés bleus : ravin d' Escatiró
En tirets bleus : rivière de la Fou




Au-dessus du Mas Pey (rouge)
la source en vert sur le ravin
de l'Escatiró, affluent de la fou












La source captée

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 Quand on arpente ces pistes, au milieu de ces forêts de chênes verts, buis et bruyères, on a l'impression d'être très loin de tout puisque on ne voit rien et pourtant les distances sont minimes; ainsi une centaine de mètres sépare la piste du surplomb des gorges, mais c'est si escarpé, si pentu, que c'en est effrayant : une glissade et on plane ! Mes velléités d'escapade se calment. Ce que j'aperçois entre les arbres est un bon remède.

Vertigineux !!!


En rive droite, tout ce que je verrai des gorges, soit...peu de chose (rive gauche en face)

Tout près du mas d' en Pey se trouve une grotte, portée sur l'IGN et nommée grotte de Can Pey sur Wikipedia. Avec Nicolas nous l'avons longuement cherchée au GPS, prenant des risques en barres rocheuses agrémentées de brachypode bien glissant et nous l'avons enfin trouvée.

Pour parvenir à la grotte, de la haute voltige
En fait il y a un sentier à peine marqué




Grotte de Can Pey

 Cette grotte fut explorée en 1860 par un entomologiste qui y trouva un insecte inconnu. Fin 19 eme, les animaux de l'âge du bronze y furent recensés, on y trouva des ossements allant du mulot à l'ours en passant par l'auroch. En 1960, Jean Abelanet, archéologue y trouva des ossements et un vase. Il fallut attendre les années 1968 à 1978 pour que des fouilles archéologiques poussées révèlent un site extraordinaire. Nous ne savions rien de tout cela en y pénétrant et nous y aventurant que sur quelques dizaines de mètres (alors qu'elle en fait plus de 200) mais nous avons ressenti une odeur et des sensations bizarres, voire étouffantes. Heureusement nous ne connaissions pas son passé. 

Nous y sommes revenus en connaissance de cause, avec un autre regard sur ce sanctuaire.

Ce passé date de près de 5000 ans : cette grotte servit de rituel funéraire à 64 corps, en majorité de femmes. Il y eut aussi des enfants. Les cadavres furent déposés dans une petite salle où ils étaient amenés à "pourrir" aidés en cela par des foyers et des offrandes dans des vases en céramique. Une fois cette opération achevée, les restes étaient déposés dans une salle dite "la salle cachée" car peu accessible. Les crânes étaient absents, sans doute déposés ailleurs; ce furent les ossements et mandibules (plus de 13000 éléments) qui permirent aux archéologues de recenser les individus. Nous avons compris avec Nicolas pourquoi cette étrange atmosphère, ces parois grasses et noircies, et notre ressenti oppressant. Nous sommes revenus dans cette grotte pour escalader un passage qui nous avait rebutés et une fois haut perchés, un long et obscur puits plongeant dans les profondeurs nous a appelés. Insuffisamment équipés nous avons renoncé non sans lui dire "au revoir"...et pas "adieu". Le plus beau, sur plus de 200 m, reste à venir.

Entre vert et rouge, partie que nous avons
visitée. (Doc Nicolas P)

Je vous emmène dans cette grotte, vous serez exemptés de l'odeur et de l'atmosphère...Attention à la tête, il va aussi falloir se contorsionner et se frotter à des murs ragoûtants...


1ere salle du "pourrissoir"

Suite du "pourrissoir"




Au "plafond"
Vestiges de feux et du reste peut être
 sur les parois



Joliment décoré le plafond






Etage supérieur à la corde

Montée à la corde sur quelques mètres




Depuis le haut de la corde, la vue plonge 
dans un long puits sombre où nous
n'irons pas  (plus tard...)

Jeux de lumière

et d'ombre



Quelques contorsions



 voire de la fascination

Et de la contemplation


Cette grotte est emplie de draperies et stalactites et j'ai lu qu'une petite exploitation marbrière y avait eu lieu, ceci dans un rapport de 1816. Signalant que ces éléments entraient dans la décoration d'ornement et d'ameublement, le luxe. 


Rédigé en 1816

Ancienne exploitation des stalactites pour l'albâtre
Proprement fait. Surtout que cela reste ainsi...


Débris : la couleur obtenue par transparence avec
la lumière de  la frontale

Pour sourire...on ne s'est pas trompés à la dégustation
A gauche cuvée VDN (grenache ambré) version 21 eme siècle (Coopé St Génis 66)
A droite, débris d'albâtre (millions d'années) traversé par la lumière de la lampe
Mimétisme parfait, mais pas la même saveur


Il a choisi le meilleur !
Pique nique devant Can Pey

Dans le secteur de Can Pey,  un grand champ d'éboulis attire notre attention, nous y grimpons et découvrons une longue galerie minière murée par un éboulement; Nicolas se glisse un peu dans ce mur, une galerie transversale est de l'autre côté . C'est une ancienne exploitation de zinc, 600 m de galeries sont répertoriés.






Mine de zinc Can Pey


Nous avons parcouru la 1ere des galeries (13)  et n'avons vu aucun des 4 puits dont nous ignorions l'existence.



La galerie


Nous y sommes retournés plus tard à la recherche des puits : ce sont des ouvertures circulaires à même le sol, très profondes, rejoignant la galerie, non protégées du pas imprudent (mais qui y va ?) nous pouvions très bien chuter dans celui que nous avons frôlé sans le voir, c'en était fini de nous, peur rétrospective !











Relativement protégé

DANGER !!

























Quelques jours plus tard, munie du plan ci-dessus, je suis allée à la recherche de l'autre galerie : j'ai remonté le ravin de l' Escatiró et découvert la galerie de mine  (70m environ) ainsi que le puits qui est extraordinaire, au fond d'un entonnoir, adossé  à une falaise ce qui explique la galerie qui l'accompagne.
J'ai risqué quelques pas, encordée, vers la bouche du puits, mais je suis remontée, gardons nous un avenir !!


Entrée de l'autre galerie


Intérieur

L'entrée



Final de la galerie

Galerie adjacente





Descente vers le puits




Tout ceci dans un entonnoir


En fait la rive droite du Canyon de la Fou était toute recentrée en activités sur Can Pey, par un passé de l'âge le plus ancien (il y a près de 5000 ans) jusqu'aux débuts du 20 eme S. Aujourd'hui tout est mort, mais le mas serait en vente ! Alors il y a un espoir d'avenir...touristique ?

Le Mas Pey dans son écrin


Pour le "tourisme", suivre les pistes est intéressant même si on marche en forêt, insectes et fleurs sont au rendez vous en ce moment. Et parfois la forêt me fait l'aumône d'une échancrure...

Une ouverture sur Corsavy



Le couronnement du site est le Puig de l' Escatiró. C'est un modeste sommet calcaire, à 845 m d'altitude, pas facile d'accès. En dehors du sentier, il est imprenable, sous bois touffus et impénétrables. Le sentier, marqué d'un cairn sur la piste supérieure, près " d'une grotte" qui n'est autre que galerie de prospection minière, est sommairement balisé de jaune et demande attention, quant au tracé et à l'escarpement. Poser les mains y est chose naturelle, sans difficulté majeure toutefois.
On croit, arrivé au sommet, embrasser le paysage à 360 ° mais la végétation fait écran et les gorges demeurent invisibles. Je ne peux aller plus haut pour espérer les contempler ! Je resterai sur ma faim, d'autant que ce jour là j'ai oublié mon casse croûte, c'est pas malin. Un coup de tonnerre unique me salue d'en haut, comme une moquerie.



Grimpette en roches



Une des deux croix : je l'ai ornée d'un caillou
 pour rétablir l'horizontale



Depuis le pic, vue vers le sud et le Bassegoda



Une grotte pourtant se trouve à l' Escatiró, je ne la verrai pas, je ne me suis pas documentée avant de partir, trop sûre de moi. Il y a bien des falaises calcaires mais aucun cheminement ne se dessine. Un sentier est toujours révélateur. J'emprunte une dernière piste, avant d'amorcer le retour, elle va vers l'aplomb des gorges mais je me décourage au premier virage, toujours cette étouffante forêt. Et pourtant...il ne me manquait que 200 m pour arriver à la grotte...ce ne sera donc que partie remise. Je m'en suis quand même voulu.
Nous y sommes donc retournés avec Nico, mais nous n'avons trouvé qu'une mine de cuivre, au demeurant intéressante par ses déchets dont nous n'avons pas compris le langage.

Nico explore les murs

La galerie



Le cuivre

Cuivre



Les rejets de la mine


De retour sur site, seule, j'ai cherché cette grotte avec les coordonnées GPS mais j'ai du me rendre à l'évidence, introuvable (ce que nous avait dit un habitant du secteur). Je ne m'avoue pas vaincue pour autant ...Mes errances dans une dense et escarpée forêt m'ont permis de retrouver une seconde mine (de cuivre?) et un sentier y conduisant, abandonné depuis un certain temps.



Circuler là dedans ? Infernal

La 2nde galerie que j'ai trouvée



Et puis, il y a le secteur un peu excentré de Roca Malera...mais ce sera une autre découverte. Il y a trop d'originalité là bas. Et ce sera un futur récit, quand j'aurai exploré ces entrailles qui emprisonnent un lac qui, parfois, se déverse, quel mystère ...


Roca Malera


Bientôt, écrivais-je,  je déserterai le secteur, trop chaud, trop enfermé, pour retrouver les grands espaces de roches et de sommets, sans arbres, d'où le regard se noie dans des lointains bleutés. Ce sera un second souffle, loin du poumon, vert de nos moyennes montagnes. Respirer !
Ce que j'ai fait, hautes randonnées que l'on a pu suivre sur ce blog mais malgré moi, je reviens toujours à ce secteur du Vallespir qui ne m'a pas livré tous ses secrets.
Et il en est tant qu'il ne livrera pas... Toutes ces grottes perchées en parois, des avens, des trésors cachés.

Peut être des trésors datant de la Préhistoire ? 


Ici finit le canyon, en rive droite, ensuite la Fou n'est qu'un long serpent quasi immobile
rampant vers le Tech tout proche


Pour mémoire : Rive gauche de la Fou (clic)



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