mercredi 26 juillet 2023

Itin' errance entre lacs, Castel Isard et Lanoux. (66)

 7 h du matin, je marche dans une forêt qui ne porte aucun stigmate de la brève pluie et de la grêle de la nuit. C'est désespérément sec, pour 1700 m d'altitude. Et cela va le rester, pendant toute la randonnée. On n'est pourtant pas loin de l' Ariège étincelante d'eau, d'herbe, de fleurs ...


Le Castell Isard 2633 m

Je poursuis un vieux projet, mais il ne sera pas pour ce jour : un vent fou venu du sud ne permet pas le moindre rêve d'arête et puis, les vestiges du covid se sont réveillés...alors le vent me donne bonne conscience. J'ai emprunté le "chemin des ingénieurs" qui sur plus de 6 km ne prend que 500 m de dénivelé; plus je monte, plus j'ai envie de faire demi tour et partir me coucher! Aller au moins jusqu'au Lanoux et revenir par l'autre sentier. Un joli programme pour la semi invalide que je suis!  Mais il en faut plus que ça. 

Serra et Puig de Fontvive 2659 m

                                                                                     
Chemin des ingénieurs 
Construction du barrage (1957/1960)


Bonsaïs


Dalles naturelles
En plis




En strates





La montagne des mes 68 ans gravie par un couloir



Ancien bâtiment du barrage

Refuge de la baraque des ingénieurs




En vue du Lanoux ou Lanós

Le vent du sud qui "engrisaillait" le décor a viré au nord; il manque me flanquer au sol sous la bourrasque, il va lessiver le ciel, rendre leurs reliefs à mes sommets de coeur, et ils sont nombreux. Il va attiser mes souvenirs, et remodeler mes projets : oubliée l'arête nord du Carlit, évincé le Castel Isard et son arête sud/est, la vraie, car l'autre je l'ai réinventée un jour de septembre 2019.

L'arête que je briguais


La voici : sur la gauche. Au sommet le Carlit . Celle de droite je l'ai parcourue




Le Castel Isard, 2633 m


Je décide d'aller visiter les lacs sans nom situés derrière le Castell Isard; pour ce faire sans m'épuiser, le vrai but du jour à présent, il me faut remonter la retenue du Lanoux vers son extrémité, afin de prendre de l'altitude en douceur. Le Lanoux manque d'eau, c'est criant. Je suis seule sur le sentier balayé par le vent. A ma gauche, au delà du Lanoux, les montagnes très rocheuses, nues, vert de gris, font de ce site un paysage désertique, aux pelouses encore un peu vertes. Pas un humain ne rencontre mon chemin, pas un animal, et pourtant c'est un GR. Il est si loin déjà le temps où je redoutais les sentiers déserts. Comme le temps passe...Comme on change...


Paysage très morainique dans cet ancien immense cirque glaciaire



Le Lanós et le Lanoset juste au dessus, tout caché


Le Lanoset



A l'occasion d'une rampe de pelouse pas très ardue, je quitte le sentier, j'économise mes gestes pour mes jambes de plomb et mon souffle court. Mes crampes aussi. L'essentiel du voyage est d'aller prendre un bain ! Malgré le froid ambiant et la force du vent. 

Vers le Castell Isard.



Dans mon dos : Coma d' Or, Pedrós

 Un joli ruisseau m'amène tout droit à un premier étang, juste sous le Castell, les eaux bleues semblent mues par un courant, deux bancs de mousses fleuries jouent les petits navires. Je salue un petit lac quelques mètres plus haut mais je vais d'abord prendre mon repas: une dalle plate joliment décorée, posée sur l'eau, sert de table, elle restera vide, je dois sauver mes aliments de la noyade, le vent est sans pitié. Exit le bain, arrive un pêcheur. 



Arrivée à l'étang



Etang sans nom 2370 m (11.4 km)


Serre et Pic de Sobirans en fond 2785 m



"Il était un petit navire"



Le petit étang au-dessus


La nappe de ma table


ou quand roche et lichens s'harmonisent



Je suppose un autre lac plus haut au pied d'une falaise, mes vieux souvenirs me parlent. Effectivement, au creux d'une moraine, c'est un bijou qui m'attend. Je scrute les bords et certaine de ne déranger aucun pêcheur, je file à l'eau; tant pis pour les truites ! Je nage avec délice dans une eau très acceptable; je préfère passer inaperçue, toutes mes rencontres étaient presque en doudoune. Etre originale me va, mais avec modération et surtout discrétion. La sortie de l'eau par contre est froide, toujours ce vent qui ne lâche rien. J'ai misé sur le bain pour me donner le tonus nécessaire à grimper ce qui m'attend : une belle moraine jusqu'au pied du Castell; ce sera un dénivelé de 147 m de dalles, herbe et barres rocheuses, ma forme revient.

2395 m l'étang (11.88 km)


Et le bain...


De belles rencontres vont jalonner ce parcours : des mouflons curieux, en falaise, presque autant que les isards juchés sur la crête. On s'observe gentiment. Et de drôles de sentinelles de pierre.


Mouflon






Isard sur la crête







Arrivée sur la crête, (2542 m) sorte de petit col, j'ai le loisir d'observer l'arête du Carlit, but du jour. Vue de près elle est moins redoutable. Presque débonnaire.


Arrivée au col, en dalles




Les Encantadas et le Puig de Fontviva



Las Xemeneias



Prélude au Carlit, début de l'arête


 Par contre celle du Castell Isard me tend son bras effilé : que faire ? Aller user ma fragile forme en l'empoignant ou passer mon chemin ? Oui mais on ne vient pas ici tous les jours non plus...Et puis, le vent...Et puis...Je me sens mieux, merci le bain : il était temps, après 12 km de marche ! Et bien j'y vais! Bâtons dans le sac, je démarre. Je la connais je sais qu'on peut s'en échapper, mais je veux en découdre, je veux le fil de l'arête. 


Ce sont de belles dalles plantées verticalement, solides, sauf une qui veut bien me jouer un sale tour, mais je les teste d'abord, elle en sera pour ses frais! Encore heureux que je lui laisse la vie sauve et ne la défenestre pas : non mais ! Le parcours est magnifique sur presque 100 m de dénivelé, par la beauté de l'arête que je grimpe avec aisance et par les points de vue sur les lacs que je survole.  Le vent me secoue sans dommage et c'est arrivée en haut, alors que l'arête devient horizontale qu'est le danger : étroite, effilée, je ne me hasarde pas à marcher sur le fil ! Bon j'ai le choix du vide, mais je n'ai pas d'ailes...

En avant ! 

J'ai déjà grimpé tout ça depuis le col



Fenêtre sur étang




Abri sous roches d' arête



Regard sur ma piscine

.
Déco vivante
Encombrement routier


Entre ciel et terre, cirque glaciaire



Ma future piscine
.






Pleine poigne


Elle est facile somme toute



En plein régal



Jardin



Au sommet c'est effilé et aérien



Deux isards m'attendent patiemment, je les salue et vais chercher la descente.

Au sommet c 'est accueillant

C'est là que le sport va commencer. D'abord un couloir de pierres se jette dans le vide. Le propre de ces dalles plates c'est de glisser et de tout emporter y compris l'humain imprudent ou intrépide. Je remise ces qualités dans le sac, extirpe un bâton,  et rase le mur, m'accrochant aux prises. Ce couloir cèdera le pas à une suite toute enherbée, de cette herbe glissante à souhait, puis se prolongera par un savant mélange d'herbes et de dalles, sur un total de 400 m, qui laisseront mon genou accidenté s'exprimer pour une fois. Les pieds lui emboiteront le pas sans vergogne, ce sera passionnant pour la suite du voyage ! Mais je me régale, au Diable les douleurs. Je leur donne tout loisir de se développer, aussi.

Approximativement, la descente


Un regard de ce côté : on ne descend pas, on vole !



Début du couloir, je vais vers le lac (Lanoux ou Lanós)


Je me tiens au mur

et je viens de là haut



Je viens d'en haut, ça se descend bien, ça glisse aussi



Couloir d'herbe

Un petit mélange de jetons sur le tapis vert



ça se termine

Quelle géologie !

 Lorsque je rejoins le GR, au pluviomètre rouillé,  après avoir pataugé dans quelques pelouses bourbeuses, c'est un beau paysage marocain qui se dessine : roches rouges, terres sèches, oued sans eau. J'ai 5 h de marche et 14.7 km au compteur...et l'arrivée est loin.

Le GR s'approche au fil de l'eau


Oued

Je rencontre quelques randonneurs à qui arracher un bonjour relève de l'accouchement au forceps. Cela me sidère...mais ça se répand en montagne.

Quelques petites côtes sont du plus mauvais effet, sur les chemins du retour alors je calcule : sentier des ingénieurs ou sentier des "galeries"?  Incapable de choisir c'est mes jambes qui prendront la direction de leur choix. 

Ce sera le sentier des galeries : 



Je n'ai même pas le courage de m'enfoncer dans la première longue galerie au bout de laquelle mugit l'eau que le Lanoux offre à l' Ariège. Toute une histoire, cela : le Lanoux fut un lac avant d'être barrage, le plus grand lac des Pyrénées et son eau allait au Sègre, fleuve espagnol. Le barrage construit, l' Ariège emprunta une partie de cette eau pour une centrale électrique, ce furent donc les Pyrénées Orientales, par le biais du Carol qui restituèrent à l'Espagne l'eau qui lui était dévolue, l'Ariège ne le pouvant pas pour une question de bassin versant. Cela se nomme échange transfrontaliers bien avant que ce concept ne devienne à la mode ces dernières années. Donc il y a des galeries de contrôle sur ce sentier, presque entièrement en courbe de niveau.

Pendant ma descente, je fomente déjà une prochaine escapade, j'en cherche l'accès : bingo ! J'ai trouvé !

J'irai là !

Et là


Pour l'heure, je fausse compagnie au sentier (2050 m)et je pique sur l'étang de Fontvive, lieu de promenade très prisé. Un oeil sur le sentier escarpé, l'autre sur le paysage grandiose. Seuls les deux pieds, par chance,  ne se faussent pas compagnie. 


Etang de Fontvive


Le final, c'est vers le fond. En toile de fond, les Coll Roig



Je vais tout en bas, traverser la petite prairie puis foncer dans la pente


La petite prairie sans maison


Ensuite, ce trajet m'a permis de garder pour la fin ce que je considère comme une erreur et une horreur, un "Enfer innommable" dirait Ludo. De l'étang au parking, un sentier de 1 km et de 182 m de dénivelé serpente dans les barres rocheuses et offre de belles désescalades pour qui a des jambes fraîches, des pieds joyeux et des genoux sains. Mais quand on dépasse les 20 km, les 1000 m de dénivelé et un âge dit avancé, il vaut mieux oublier jusqu'à l'existence de ce sentier. Et choisir un autre chemin, cela ne manque pas. 

Du casse pattes: la charmante dame qui monte
ne me salue même pas

C'est avec une démarche un peu "en canard" que je rejoins Nina ( à 1722 m) bien à l'ombre, comme prévu, et, bravant le danger "baignade interdite" dans le moindre ruisseau, je vais me vautrer avec délice dans celui qui m'a accompagnée dans l' Enfer et qui passe près de ma chambre. Longtemps dans la nuit, dans le sommeil ou sous l'orage, mes pieds me reprocheront cette merveilleuse balade : pourtant ce n'était qu'un semi marathon et au pas lent, qui plus est...


Avant de me tourner le dos la charmante demoiselle m'a saluée

En chiffres :

Distance : 21.1 km

Dénivelé cumulé : 1010 m

Temps de marche : 7 h 05 mn

La route : 130 km aller (x2)

Le trajet :



En rouge le périple
Jaune et blanc, arrivée et départ



En jaune, le sentier des ingénieurs
En blanc le "sentier des galeries"


2 commentaires:

  1. Un grand bravo. Francis, Marie.

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    1. J'aurais plein de choses à faire là bas mais je me repaie un épisode post covid et j'ai du mal à bouger; je vais tenter malgré tout la remontée du Carol jusqu'au barrage par le lit de la rivière. Une partie peut se faire. Je crois que ce sera génial de beauté. Amitiés

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