jeudi 3 août 2023

La remontée "sauvage" du ruisseau du Lanoux.

 En Pyrénées Orientales existe un barrage de montagne, à 2200 m d'altitude, nommé Lanoux, qui augmenta la quantité d'eau du plus grand lac des Pyrénées. Construit entre 1957 et 1960, 45 m de haut, il laisse s'échapper le ruisseau de Lanoux (Rec de Lanós en catalan  sur IGN) ainsi que l'eau du barrage au débit contrôlé.

Rec de Lanoux ou Lanós en catalan


Lanoux, image 2018, depuis une montagne sans nom


Le barrage du Lanoux

Ce ruisseau, véritable torrent de montagne rejoint le barrage du Passet, 4 km en aval, à vol d'oiseau,  1629 m, qui fut créé en 1955/ 1960 pour la construction du barrage du Lanoux. Sur la carte IGN à partir du Passet, le ruisseau se nomme Carol, ce qui est démenti. Quoi qu'il en soit, je me suis offert deux balades complémentaires, (une facile et l'autre moins), pour relier les deux sites en suivant le ruisseau au plus près.


Etang du Passet

Et la fuite du Lanoux vers son destin nommé Carol.
Le Carol (ou Querol ou Aravó) est un affluent du Sègre

Ce récit sera un condensé des deux randos.

Je quitte le Passet par un matin étincelant du 2nd jour, traversant le Lanoux par une passerelle afin de terminer le parcours de la veille. C'est une rivière calme et heureuse qui rejoint l'étang, lieu très prisé des pêcheurs et vacanciers. Cadre magnifique.

Rencontre du Lanoux et du Passet


Je vais donc remonter la rivière sur sa rive gauche et ne la quitterai pratiquement pas.


Une bien paisible rivière


 D'abord une piste forestière me mène au point de départ du "chemin des ingénieurs" qui monte résolument vers de magnifiques ailleurs : barrage, Carlit, et autres sommets . Je n'emprunte pas ce chemin et suis la rivière au plus près,  dans la forêt, par des sentes animales et de pêcheurs. Parcours résolument facile, un sentier finit par être bien tracé et le suivre est un régal. 



La rivière s'est muée en invisible torrent, seul son bruit m'indique son cours tourmenté. J'aborde le 1er site d'anciennes avalanches, (1808 m, 2.3 km), reconnaissable à son enchevêtrement de troncs morts, où repoussent déjà des arbustes vieux de quelques années. Ces avalanches ont coulé jusqu'à la rivière et le torrent disparaît sous des monceaux de tronc blanchis, certains sont même allés s'écraser sur les falaises de la rive opposée. Lecture d'une violence passée et indescriptible. 


Stigmates d'une avalanche


Au dessous coule une rivière nommée Lanoux



Les arbres ont été plaqués rive opposée

Avalanche de troncs

J'entrevois cascades et "piscines" tout en bas, tandis que mon chemin est bordé d'arbres aux troncs coudés par la poussée de la neige. J'ai parcouru 2.5 km et viens de retrouver mon chemin de la veille. 1817 m.

Le 1er site idyllique, peu ou pas accessible


Et ça rugit dans le turb'eau



Post avalanche, on se débrouille pour pousser

Les difformités dues à la neige


En effet, la veille, en ce 1er jour, je suis partie du chemin des ingénieurs,  et, à la 1ere avalanche , j'ai suivi un sentier filant droit devant moi. Je l'ai trouvé magnifique.


Prairies, chemin des ingénieurs

Mes deux parcours se rejoignant en zone d'avalanche m'ont offert la 1ere série de cascades (1828 m, 2.82 km), point final semble t'il du canyoning. Là c'est instant de beauté garantie : des cascades, des toboggans, des piscines, sur plusieurs étages, tout y est pour régaler l'oeil et l'oreille humains.


Site de canyoning










Chute d'eau et corde


 Des couleurs, des jeux de lumière, des bouillonnements sans fond, des vacarmes mouvants, on pourrait presque terminer ici le parcours. Mais trop tard, la curiosité s'attise ! 



Couleur Lanoux


A présent je rencontre le chemin balisé qui va à Fontvive, petit moment de "civilisation " le long d'une rivière sage, jusqu'à la passerelle menant à Fontvive, superbe étang à 1910 m. J'en ferai mon retour au 2nd jour. 

Fontvive pris en direction du Pic de Fontfrède



Et en direction des Coll Roig

La passerelle, à 1862 m,  côtoie un joli site escarpé fait de vasques et cascades semblant venir du ciel. La veille a commencé ici le voyage inédit, par une remontée vers ce ciel. 

A la passerelle

Aucun sentier n'est indiqué, l'oeil averti le devine, en roche, et c'est parti pour un parcours sportif, celui des adeptes du canyoning. Je vais suivre au plus près le ruisseau qui est devenu torrent débridé et heureux, crachant sa mousse blanche, ses bulles, dans un bruit de tempête, sur des piscines arrondies où il ferait bon plonger ! Méfiance...c'est du glaçon fondu... 

Au milieu


Au plus près du ruisseau



Le sentier

En hauteur



Et ça crache de la mousse blanche

Tantôt dans des rocs, tantôt sur des sentes, le sentier me conduit 800 m plus loin en un coupe gorge fantastique : je me croirais à la Massane! Euh...en plus ardu.  Une gorge profonde, à 1913 m,  étroite et mugissante me barre la route.

Le canyon impossible à remonter


 La très proche rive en face n'est qu'une falaise noircie, bref, je ne passe plus. Je sais que ça se contourne, je vais essayer de passer autrement. J'étudie le site alors que j'entends un groupe de jeunes catalans, et leur moniteur qui m'a gentiment renseignée au parking, passer au large. La pente herbeuse est brève et brutale, elle porte des sentes animales et la haute falaise qui domine paraît accessible à mes capacités. 

En face ? faut pas rêver

Ici, on peut rêver et grimper


Je ne réfléchis pas longtemps et je me lance, comme un chat, dans la pente puis sur la paroi.  C'est haut (46 m en tout), escarpé mais facile et tandis que la rivière s'éloigne tout en bas, la vue ouvre sur les lointains, je ne me prive pas de cette beauté, en faisant quelques haltes : ce sera pour moi, une très belle option.


Le paysage s'ouvre

Je me faufile



J'ai pris de la hauteur

Et je n'ai pas fini


ça passe, sans casse
La falaise en face aussi prend
de la hauteur ...noire


En haut : je retrouve le "vrai" sentier

 Tout en haut, 1959 m,  je rencontre le sentier et les canyonneurs, je leur emboîte le pas et on plonge vers la rivière, partie haute de ce canyon qui est leur point de départ : un beau départ, pas le temps de réfléchir !! 1977m, le guide me re salue et m'invite au demi tour pour retrouver le prochain évitement car il n'y a plus de sentier. Je lui réponds gentiment que je "vais jeter un coup d'oeil" et ce sera vite vu, je passe sans problème et sans sentier.


Les voilà ! on ne m'a pas vue



 En plus c'est magnifique : des plantes vertes luxuriantes, des roches couleur sang, des filets d'eau en cascade coulant des pentes, je le baptise "le vallon rouge". 

Le vallon rouge

Les talus ruissellent





Je débouche alors après un petit gymkhana en éboulis, dans une clairière et prairie de contes de fées, descendue tout droit de Coma Joan, sa cabane, sa source résurgente, et ses anciennes estives. 


Estives de Coma Joan


Estives


Trois hommes arrivent de là, on bavarde un peu, on parvient à la rivière qui s'épanouit en souriant entre deux séries de cascades. 2008 m. 



Une très belle cascade et son îlot



La cascade souriante


Au zoom, vue du sentier

Eux vont remonter sur le "sentier des galeries", moi je continue ma route et m'offre une nouvelle grimpe en herbes et roches pour longer un étroit canyon  où mugissent des eaux endiablées, goulottes, cascades, toboggans, tout y est, un peu en miniature. Mais cette montée me permet de profiter de ce canyon là, aussi discret que sauvage.


Un étroit canyon qui se remonte en sa rive droite et en roche


Même lieu vu au zoom depuis le sentier



Détail

A présent j'entre dans une grande prairie d'altitude, la rivière est large, ses rives aussi, domaine des estives, je marche résolument vers le point d'orgue qui, vu du sentier, me donna l'idée de cette balade inédite. 


En fond un des "terrils" du barrage


Vu d'en haut, on aperçoit ceci, qui déclencha l'idée de cette balade presque aquatique :





Vu d'en bas, la rivière molle débouche, comme épuisée, d'un gymkhana qui l'a partagée, rossée, drossée, envoyée dans le vide, enserrée dans des goulets étroits, écrasée sous une petite arche, comme une punition à je ne sais quel enfer alors que tout en, haut elle n'est que serpent mou dans une prairie.


Paisible dans la prairie

J'entreprends alors d'escalader la cascade et je vais passer là le ludique moment de ma journée.

Je vais me jeter en Enfer, un Enfer à 2035 m,  où l'eau est un vrai glaçon en fusion et le bruit un autre Enfer en partition. Un Enfer auquel on n'accède qu'en grimpant avec mains et pieds. Je dépose mes bagages à mi hauteur et pars en visite. Je rase les murs, m'enfonce dans un étroit couloir et disparais au monde : c'est sombre, froid, peu engageant. Le vacarme est infernal . Je tente l'immersion des jambes, c'est intolérable. Alors sur mon promontoire d'où la vue est large, je vais prendre mes aises : me restaurer, prendre un bain de soleil, visiter en escalade, et finalement me baigner, après avoir habitué mon corps à ce froid glacial. 


Vers le Monde



Et hors du Monde


Glacial et sinistre



L'oeil de chat de la cascade


ça me fait de belles jambes !

Jambes de  cascade 
















Je m'introduis dans une gorge étroite pour voir une cascade aussi mince que puissante, mais je ne parviendrai pas à me baigner dans ce qui m'attire le plus : le long et profond bassin où se jette une cascade, surmonté par une arche : j'ai bêtement peur et j'écoute ma peur. Je lance ma corde depuis la plaquette fixée à la paroi mais la peur s'obstine, dommage.

Et vers l'aval


Vers l'amont 





La plus extraordinaire avec sa petite arche


En gros plan : j'ai eu peur et n'ai pu y aller



Fuite vers l'aval
Incroyablement étroite



Mais je m'y introduis !



Incroyables lichens dans cet antre quasi fermé



Et ça s'enfuit vers l'aval en laissant une poussière d'embruns 


Plus tard, quittant ce petit Paradis aux airs d'Enfer, je ferai l'erreur d'appréciation qui va me coûter la partie finale du trajet.

Dommage mais faut lever l'ancre, un demi pied en moins, il s'est "cassé la figure"
dans les gros bouillons !

 Je contourne la falaise par la droite et de moraine en barres rocheuses je vais remonter sur le sentier des ingénieurs, à 2122 m, alors qu'il fallait contourner par l'autre rive. 

Quel bartas !!

Ou en contournant ainsi ? 



Qu'à cela ne tienne, on va terminer le voyage en "vue aérienne". C'est un magnifique spectacle car hors sentier:  je rejoins,  sur une plate forme où gisent les vestiges de la construction, l'écoulement puissant du barrage,  qui va grossir le ruisseau évadé du barrage en une série de chutes vertigineuses. 

Un petit aparté pour des images d'archives éloquentes : voici le ruisseau issu du barrage mais alimenté aussi  par ses affluents, Rec dels Forats et Rec de la Portella de Lanós. Il traverse un curieux site géologique.


                                                                                   

Curiosité géologique
En aval du barrage



Le ruisseau est partagé ....

Ce que le barrage rend au ruisseau

Et le ruisseau issu du barrage













Les deux mugissent à plein gosier, aucun des deux n'invite à patauger !! 



Réunis


Ils filent vers leur destin













Je rejoins le sentier que je nomme "des galeries" et justement j'entre dans la galerie; je n'ai que le smartphone, éclairage pauvre mais grondement puissant d'eau; la galerie portant des vestiges d'anciennes tuyauteries, ainsi qu'un local vide, fait un angle droit et va sortir en plein dans la cascade, c'est effrayant ! Etait-ce une galerie d'essai ? A t'elle une branche filant sous la montagne ? Je reviendrai avec une lampe, car ces tuyaux, quand même, ils avaient bien une utilité !

Entrée de la galerie : 2184 m

Aspect intérieur






La sortie de la galerie : trois pas en avant et...



on dégringole dans le Lanoux !
Euh je me penche prudemment.


Je scrute du sentier la partie qui manquait à ma remontée : un bref parcours sans surprises apparentes mais que je terminerai un jour par souci de "travail fini". Et puis parce que c'est beau, tout simplement...


2146 m


Il n'y a plus qu'à, tranquillement, revenir vers Nina, à 1733 m, et, soyons maso : par le sentier que je nommais Enfer innommable et qui, avec 9 km de moins dans les jambes, ne mérite plus que le nom de Purgatoire acceptable.



En chiffres :

Distance Jour 1 : 12.5 km

Temps de marche : 4 h 31

Distance jour 2 : 7.3 km

Temps de marche : 2 h 18

Retour par le superbe site et étang de Fontvive. Visite de sites pastoraux.

Jour 2 encore : le barrage du Passet et le départ du Lanoux vers son avenir : porté Puymorens et le Carol

2.5 km environ

Total W end : 22.3 km et 250 km route AR


Carte : en noir les différents accès bet retours sur les deux balades
            en rouge, la remontée intégrale de la rivière sur près de 5 km








2 commentaires:

  1. Que d'eau ! que d'eaux !! et des défilés à se rompre.... les os ! Quel parcours sportif avec ses parties verdoyantes puis minérales et vestiges d'arbres morts, signature d'avalanches des saisons blanches ! tu as immortalisé sur le papier des sites qui auraient fait le bonheur des peintres fauvistes ou réalistes mais aussi des sportifs en quête de sensations fortes ou vertigineuses ! De sublimes clichés de la rivière que j'apprécie d'autant plus dans sa partie apaisée moi qui fuis plutôt tumulte et vacarme ! Merci Lison !

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    1. Tu as bien saisi l'âme de ce parcours fantasque et fantastique, où chacun peut y trouver son compte à condition de ne pas craindre quelques exercices de style pour se hisser vers ces délices aquatiques. Grimper pour aller se baigner dans une eau à 10°, y en a pour tous les goûts ! Mais il y a des endroits calmes et reposants, faciles d'accès...Bon c'est long, mais au moins pas envahi. Un jour peut être cela te tentera

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